Dans l'extrême nord du Cameroun les Monts Mandara présentent l'un des paysages naturels des plus ingrats de notre planète. Ayant servi de refuges aux populations de plaines, celles-ci y ont bâti au fil du temps des paysages totalement anthropisés à la fois dans leur aspect physique que par leur végétation sélectionnée. Ce travail patient et répété des hommes permet des densités souvent supérieures à 300 habitants par km2, le tout sous un climat marqué par une aridité sévère durant plus de six mois.
Terrasses en pays Podoko, le versant dominant la plaine de Mora depuis Oudjila
(photographie Alain Beauvilain janvier 1982, droits réservés).
Concessions podoko dans le quartier d'Oudjila dominant la plaine de Mora
(photographie Alain Beauvilain, janvier 1979, droits réservés).
d'après Christian Seignobos, Atlas aérien du Cameroun, campagnes et villes. 1983, pp. 40-41.
Le quartier du chef (photographie IGN n° 676 de la mission IGN 75 CAM 126/200 de 1975) représente l’habitat podoko type, regroupé sur des reliefs, laissant le reste aux terrasses sous le couvert d’un des parcs d’Acacia albida les plus fournis des monts Mandara septentrionaux et qui s’accompagne non seulement de Ziziphus mauritania mais aussi de Terminalia brownii.
La concession du chef est formée de trois ensembles d’habitat pour les épouses, l’un pour celles originaires des massifs mouktélé voisins et les deux autres pour les femmes podokwo.
Chacun est pris dans un haut mur de pierres qui enserre une alternance de chambres et de cuisines (une par épouse) entourant une aire de greniers coiffés chacun d’une protection de cannes de mil. Les surfaces intermédiaires sont occupées par des auvents supportant des javelles de tiges de mil.
Les unités à toit de tôles sont occupées par le chef lui-même et, à l’arrière, une série de cases servent à la fois de tombeaux pour les chefs précédents et d’autels.
Cet ensemble d’habitations, un des plus vastes des monts Mandara, ne cesse de s’agrandir, reflétant une situation sans doute unique dans le Nord du Cameroun, celle d’une ‘chefferie’ vivant du tourisme.
Depuis près de cinquante ans, l’habitat a été bouleversé par l’émigration vers les plaines, y compris lointaine vers le sud de la Bénoué, et vers les villes et par la multiplication des toits de tôles. Le paysage d’une Afrique ‘traditionnelle’, ‘de carte postale’, s’effondre.
Les scènes satellitaires de Google Earth sont particulièrement édifiantes. De rares en 1975, les toits tôlés deviennent exclusifs. Hausse de la monétisation des activités, recherche d'un plus grand confort.... moins d'intérêt pour les touristes.
Oudjila, 2 février 2003
Oudjila, 18 septembre 2010
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